Note sur la « zététique » sur les réseaux sociaux, sa différence avec la transmission des connaissances et l’éthique de la recherche

Défendre des positions scientifiques et une compréhension éclairée du monde ne se fait pas dans le dénigrement et dans la mise en scène agressive envers celles et ceux qui ont le malheur de ne pas penser « comme il faudrait ». S’agirait de sortir de l’humiliation comme méthode. S’agirait de sortir de l’autorité de principe pour légitimer l’agression et le rabaissement de celle ou celui qui pense autrement. Ce sont des comportements dénués d’éthique qu’aucun scientifique formé actuellement sur le sujet ne peut admettre comme tolérable. Se draper de science pour faire du divertissement dans l’objectif de vulgariser fait partie du processus de diffusion des connaissances. Mais se draper de la science pour nuire à autrui au prétexte qu’on a raison certainement pas. Je l’ai déjà exprimé de nombreuses fois, ce n’est pas du tout comme cela que nous sommes formés dans les universités pour diffuser les résultats de nos recherches.

N’est pas de la science cette espèce de narcissisme outrancier consistant à prendre une aura de sachant pour humilier publiquement des individus parce qu’ils ont le malheur de tweeter ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent sur le moment. Bref parce qu’ils ont le défaut d’être humains donc faillibles. Avoir tort, faire des fautes, se tromper, s’égarer, font partie du processus d’apprentissage et de compréhension des phénomènes pour pouvoir produire des connaissances fiables à la fin. Nous sommes formés à accepter cela et à répondre avec bienveillance lorsque nous savons qu’il y a des informations ou des processus erronées. En tant que scientifique, je suis horrifiée de l’image scientiste et narcissique ainsi diffusée sous le nom fourre-tout « d’esprit critique », version militante et déformée de ce que nous à l’université appelons éthique de la recherche. Tout ceci va beaucoup trop loin et sors du cadre de vulgarisation des méthodes et idées utiles à une approche scientifique du réel.

Le harcèlement, l’intimidation et l’injure publique ne sont pas des méthodes pédagogiques, ni de transmission, jamais, dans aucun contexte. Il est inadmissible d’utiliser la production universitaire ou la légitimité scientifique de la recherche pour produire des comportements destructifs en ligne sur autrui.

J’espère à l’avenir que le public curieux saura se tourner davantage vers les scientifiques eux-mêmes de manière apaisée et bienveillante. Nous sommes accessibles, nous collaborons volontiers avec les vulgarisateurs, nous nous formons à communiquer dans les médias au cours de nos cursus pour le faire correctement. Le scientifique ne rentre pas dans le débat d’opinion en sa qualité de scientifique, il établit des faits et présente des résultats. Notre métier n’est pas d’avoir raison et de dicter aux gens ce qu’ils doivent penser, nous ne sommes pas des prêtres de la vérité, mais des chercheurs, dont la contribution apporte des repères les plus fiables possibles, sur le moment, à la collectivité pour comprendre et analyser le réel. Nos résultats dépendent de nombreux facteurs et sont voués à la discussions entre pairs, ce ne sont pas des absolus, notre autorité de chercheur ne vaut pas supériorité sur autrui. Si nous-même, en tant que chercheurs, n’avons la pas la prétention de dominer qui que ce soit de part nos compétences scientifiques, la légitimité de ceux qui le font au nom de la science, de la raison et d’un amour proclamé de la vérité, est nulle.

Sur une note plus personnelle :
Merci à ceux et celles qui ont vulgarisé des méthodes de réflexion critique et scientifiques au grand public pendant des années. Lorsque quelque chose devient problématique, il faut savoir le dire et poser une limite. Je pense que la limite est franchie et qu’il faut changer la forme et le comportement de ces créateurs. Si réellement vous aimez la science et les scientifiques, vous arrêterez d’utiliser la légitimité de personnes qui ne partagent pas vos méthodes pour humilier des gens en public.

Je pense sincèrement que vous devriez collectivement prendre du recul et prendre au sérieux l’idée que vous êtes en train de devenir bien autre chose que des relais bienfaisant de la culture scientifique pour le grand public. Votre visibilité peut avoir des conséquences aussi heureuses que désastreuses pour le monde scientifique. Revenez au calme, encouragez vos communautés à faire de même, c’est la meilleure chose que vous puissiez faire.

Je souhaite sincèrement que toutes ces horreurs sur les réseaux cessent, qu’on revienne à l’apaisement et le discernement.

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